Charles de Foucauld a été canonisé par le pape François le dimanche 15 mai dernier.
Il était né à Strasbourg le 15 septembre 1858. Orphelin à l’âge de six ans, il fut élevé par son grand-père officier, qui le gâte beaucoup. A dix-huit ans, il entre à Saint Cyr, puis à l’école de cavalerie de Saumur. Aristocrate fortuné, ce jeune officier mène joyeuse vie et a du mal à supporter la discipline militaire. A cause d’une liaison avec une personne jugée comme femme de « vie légère », et qu’il veut garder à ses côtés, il est suspendu de toute activité par ses supérieurs militaires. Quelques semaines plus tard, il demande sa réintégration dans son régiment mais il est muté dans une unité du sud-oranais où une insurrection a éclaté.
En mars 1882, il démissionne de l’armée et décide d’aller explorer le Maroc, alors interdit aux étrangers, déguisé en rabbin juif. Ses études géographiques et linguistiques se révèlent être de tout premier ordre et lui confèrent une grande réputation. Ebranlé par la foi des musulmans rencontrés au Maroc, il retrouve la foi perdue à l’âge de 16 ans, aidé et accompagné par un prêtre parisien, l’abbé Huvelin qui deviendra son père spirituel jusqu’à la mort de ce dernier en 1910.
En 1890, Charles entre à la trappe de Notre-Dame des Neiges en Ardèche puis il part en Syrie où il mène une vie ascétique et communautaire pendant sept ans. Mais sa vocation et son intense désir d’imiter Jésus dans sa vie cachée de Nazareth le pousse à chercher une vie encore plus pauvre ; il se fait alors le jardinier des religieuses Clarisses de Nazareth pendant trois ans.
Ordonné prêtre à l’âge de quarante-trois ans, il part pour Béni-Abbès, dans le Sud-Algérien, où il bâtit un ermitage ouvert à tous, chrétiens et musulmans, se voulant lui-même un « petit frère universel ». À l’occasion, il accompagne le commandant Laperrine, pacificateur des oasis, dans ses tournées.
En 1905, il s’enfonce plus profondément dans le désert, à Tamanrasset, dans l’extrême sud de l’Algérie, au milieu des populations Touareg, « là, écrit-il, où il n’y a pas de tabernacle, afin que Jésus y soit présent ». Seul parmi des non-chrétiens, il réfléchit à la naissance d’une fraternité de laïcs et religieux qui témoigneraient de Jésus, comme lui, par leur présence fraternelle et leur rayonnement intérieur.
Charles de Foucauld est assassiné à la porte de son ermitage, le 1er décembre 1916 sans avoir vu naître la fraternité dont il rêvait.
Voici le témoignage que donne de ce nouveau saint le père Bernard Ardura, postulateur de la cause de canonisation de Charles de Foucauld :
Conduit à « fréquenter » Charles de Foucauld tout au long de ces années, à travers ses écrits, mais aussi en entrant dans les divers éléments dont le dernier miracle qui lui a été attribué (la protection miraculeuse d’un jeune artisan dans une paroisse de Saumur), je me suis convaincu de l’actualité de ce nouveau saint.
Il a offert le témoignage de sa foi chrétienne au contact du monde musulman qui nourrissait envers lui une grande estime. Il est vénéré par un certain nombre d’Algériens qui viennent visiter son tombeau à El Goléa. Sans nul doute, il constitue un puissant intercesseur auprès de Dieu pour de meilleures relations entre les musulmans et les chrétiens. Il semble bien être l’un de ces hommes providentiels choisis par Dieu à chaque époque pour gagner le cœur de leurs contemporains, leur donner l’exemple dont ils ont besoin et leur transmettre le message d’amour qui ne connaît aucune frontière de langue, de peuple, de couleur, de religion, car il reconnaît en tout être humain la présence de Dieu. Charles de Foucauld n’a jamais fait de prosélytisme, mais il a témoigné d’une foi qui est attractive par le rayonnement de l’amour. Depuis l’instant de conversion, il a voulu imiter le Christ ; au début il a voulu l’imiter en se rendant en Palestine, puis a découvert que cette imitation devait être essentiellement intérieure. Il a donc rejoint le Sahara où il est devenu missionnaire non par des sermons, mais par le témoignage de sa foi et de sa charité qui se manifestait dans son accueil, au point de devenir « le frère universel ».
Son ascension spirituelle s’est caractérisée par son désir d’aimer tous les hommes pour être, à la suite de Jésus, ce « frère universel ». Comment douter de l’actualité de cet homme en ce moment où l’on semble avoir oublié que la véritable charité, cet amour qui vient de Dieu et qui a pour but le bien de tous, peut sauver le monde ? Charles de Foucauld écrivait jadis : « L’amour est tout : c’est lui qui nous jette à votre suite, dans la voie de la Croix, c’est lui qui nous y fait entrer d’autant plus avant qu’il est plus fort ». Charles de Foucauld s’est voulu messager de l’amour de Dieu pour tous les hommes, montrant par toute sa vie combien il est nécessaire de voir en l’autre, même différent de nous par la couleur ou la religion, un frère à aimer de tout cœur, et à aider dans sa recherche de cette dignité que Dieu a conférée à chaque être humain.
Charles de Foucauld, avec un itinéraire si particulier, et une vie si solitaire, n’est cependant pas si singulier qu’il ne puisse être donné en exemple. Comment ne pas accueillir l’actualité de ses propos ? « Je ne crois pas qu’il faille beaucoup parler, ni beaucoup écrire, mais il faut se réformer soi-même, réformer les siens, tâcher de réformer doucement, amicalement (…). Il faut surtout agir avec constance, sans découragement, se souvenant que la lutte contre soi-même, contre le monde et contre le démon durera jusqu’à la fin des temps ».
En cet homme du désert, si seul et si accueillant à tout venant, si pauvre matériellement et si riche d’amour, peuvent se reconnaître tant de jeunes et d’adultes, qui, s’étant éloignés, un temps, de la foi de leur enfance, redécouvrent le Christ. Charles pouvait ainsi écrire : « Je demeurais douze ans sans rien nier et sans rien croire, désespérant de la vérité, et ne croyant même pas en Dieu, aucune preuve ne me paraissant assez évidente ». Toutefois, « Une grâce intérieure extrêmement forte me poussait : je me suis mis à aller à l’église, sans croire, ne me trouvant bien que là et y passant de longues heures à répéter cette étrange prière : Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse ! ».
L’abbé Huvelin écrivait au sujet de Charles de Foucauld, jeune converti désireux de découvrir la vie des moines : « Il fait de la religion un amour ». Effectivement, pour lui comme pour tout chrétien, la seule chose nécessaire, c’est aimer Jésus, se faire son disciple et témoigner de son amour pour tous, sans aucune exception.
P. B. Ardura.
Paroles de Charles de Foucauld
« L’imitation est inséparable de l’amour ; tu le sais, quiconque aime veut imiter : c’est le secret de ma vie : j’ai perdu mon cœur pour ce Jésus de Nazareth crucifié il y a 1900 ans et je passe ma vie à chercher à l’imiter autant que le peut ma faiblesse » (7 mars 1902, lettre à Gabriel Tourdes).
« Mon Créateur, mon Père, mon Bien-Aimé, vous êtes le beauté suprême ; toute beauté créée, beauté de la nature, du ciel au coucher du soleil, de la mer unie comme une glace sous un ciel bleu, des forêts sombres, des jardins fleuris, des montagnes, des grands horizons du désert, des neiges et des glaciers, beauté d’une belle âme se reflétant sur un beau visage, beauté d’une belle action, d’une belle vie, d’une grande âme, toutes ces beautés ne sont que les plus pâles reflets de la vôtre, mon Dieu » (5 novembre 1897, méditation, retraite à Nazareth).
« La charité, qui est le fond de la religion (…), oblige tout chrétien à aimer le prochain, c’est-à-dire tout humain, comme soi-même, et par conséquent à faire le salut du prochain, comme de son propre salut, la grande affaire de sa vie. Tout chrétien doit donc être apôtre : ce n’est pas un conseil, c’est un commandement, le commandement de la charité. (…) Voir en tout humain un enfant de Dieu, une âme rachetée par le sang de Jésus, une âme aimée de Jésus » (3 mai 1912, lettre à Joseph Hours).
« Jamais vaisseau à voile ni à vapeur ne te conduira si loin qu’une minute de prière ! Les voyages de notre âme vers Dieu sont plus lointains que tous ceux de l’Océan ; et tandis que les découvertes des marins sont limitées, comme ce globe, les découvertes de l’âme qui par l’oraison s’élève vers Dieu sont sans limite, car Dieu est infini (…) Il y a plus de mystères dans le petit tabernacle que dans le fond des mers et la surface des terres, et il y a plus de beauté que dans la création entière » (15 novembre 1903, lettre à Charles de Blic, son neveu).
« Toute notre vie, si muette qu’elle soit, la vie de Nazareth, la vie du désert, aussi bien que la vie publique, doivent être une prédication de l’Evangile par l’exemple ; toute notre existence, tout notre être doit crier l’évangile sur les toits ; toute notre personne doit respirer Jésus ; tous nos actes, toute notre vie doivent crier que nous sommes à Jésus, doivent présenter l’image de la vie évangélique ; tout notre être doit être une prédication vivante, un reflet de Jésus, un parfum de Jésus, quelque chose qui crie Jésus, qui fasse voir Jésus, qui brille comme une image de Jésus » (Méditation de l’évangile de Luc 8,16).
« Pense que tu dois mourir martyr, dépouillé de tout, étendu à terre, nu, méconnaissable, couvert de sang et de blessures, violemment et douloureusement tué… et désire que ce soit aujourd’hui » (6 juin 1897, notes diverses).
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